18 juillet 2020
6
18
/07
/juillet
/2020
11:58
De la poésie, Philippe Jaccottet,Arléa poche, 81 p., 8 e, 2020 Cet entretien, enregistré en 1988 puis publié en 2002 et réédité en Poche, entre un jeune homme, Reynald André Chalard, actuellement professeur de lettres, et le poète, nous permet d’entrevoir les cheminements mêmes de l’expérience poétique, On y apprend beaucoup. D’abord qu’il faut vivre « de telle manière que l’écrit naisse naturellement » et que l’émotion est, pour le poète, traducteur des langues et du monde, totalement initiale au poème. Bien plus qu’un jeu de langage. L’expérience de toute une vie. Le haïku lui fait découvrir « la modestie des choses » et une poésie qui peut se passer de métaphores pour exprimer « la question essentielle et centrale » de « la rencontre essentielle ». Il lui permet d’atteindre « à un certain moment, cette espèce de légèreté, de détachement, presque d’objectivité… ». C’est là que le poète se trouve enfin proche de « l’effacement ». Celui-ci reconnaît également que les choses lui viennent « aisément » et qu’il les publie « avec un minimum de retouches ». Ajoutant qu’il n’est ni théoricien ni philosophe mais un poète souvent heureux dans son jardin. Ce contact quotidien avec la nature est devenu « un contact très ancien avec les éléments », accompagné d’épiphanies du sacré. Tout en ne renonçant pas au réel vers lequel il fait l’effort de se rapprocher il cultive un certain goût du mystère qui le rend plus proche de Platon que d’Aristote. "L’Ignorant" sait que sa voie propre est de se faire modeste et qu’à travers son écriture c’est sa vie qui parle sans qu’il y ait « acharnement » à écrire. Dans sa conclusion le jeune interlocuteur compare la renaissance de Philippe Jaccottet à celle de Hölderlin qui consiste à retrouver « l’invisible dans le visible, l’illimité dans la limite ». A condition de résister au vacarme et aux désastres.
France Burghelle Rey ©