A Premier état
Tu chuchotais tes only you
quand je criais
c'est fini Capri
Nul regret exprimé par
nos gorges endeuillées
Nous courions sur des dunes où
le sable était cendre
Cendres de tes ailes sans cesse
brûlées ô notre phénix
De ton arbre tombent les mots
de nos poèmes
Le texte relu a je ne sais quoi de particulier. Il me semble se situer quelque peu du côté de" l'évidence poétique ". Mais il est cependant bancal et manque totalement de " travail " comme s'il avait été bâclé. J'ai toujours pensé qu'il fallait se méfier du premier jet et d'une certaine facilité. Cela a été le cas pour ce texte.
B Deuxième état
I
La première strophe subit des changements importants dont il s'agit ici de montrer les étapes. Il me paraît plus intéressant de généraliser " only you " en remplaçant " tes " par " des ". Puis au vers 3 j'ajoute " cruel " pour casser le rythme et renforcer " crier " du point de vue du son et du sens. De toute façon il fallait un quatrième vers au douzain et l'adjectif est bien plus qu'une sorte de cheville. Il est également d'autant plus intéressant que son isolement le met en relief et qu'il peut se rapporter autant au destinataire qu'à l'émetteur.
Mais je suis très loin d'être satisfaite et la strophe reste à l'état de friche.
II
Le vers 6 me gêne. Le mot " endeuillées " a besoin d'une précision. En effet il s'agit des amours de jeunesse qui se font et se défont et le lecteur doit, sinon être éclairé, du moins participer au regret et ressentir l'émotion qui définit pour moi en grande partie la poésie.Je fais donc dans ce but précéder le participe passé du complément de manière " sans cesse ".
III
Au vers 3 " sans cesse " devient " sans arrêt ". Par souci d'un certain chant je garde la même préposition.
Les deux substantifs qui décrivent le phénix sont des mots-clés et me laissent très hésitante. Pour cette deuxième étape je laisse " corps " à la place d' "ailes ", quitte à risquer une allitération trop appuyée.
A la place d' " arbres " au vers 11 je pense à " ailes " ou à ce mot " arches " que j'ai employé dans ce texte de mon recueil Lyre en double :
Ma poésie ma troisième fille
j'ai tort d'attendre la fin de notre accouchement
ma poésie mon phénix fabuleux
du Japon où tu vis
tu voles d'arche en arche
jusqu'à forcer ma porte
Mon travail aboutit au résultat suivant :
Tu chuchotais des only you
quand je criais
cruel
c'est fini Capri
Nul regret exprimé par
nos gorges endeuillées
Nous courions sur des dunes où
le sable était cendre
Cendres de tes ailes sans cesse
brûlées ô notre phénix
De ton bûcher naissent les mots
de nos poèmes
C Troisième état
I
Je désarticule alors la strophe car " tu chuchotais " m'est apparu soudain naïf:
Chansons des sixties
à nos only you
on ajoutait Capri
et on se séparait
Puis je m'aperçois que " paroles " est plus discret que " chansons ". Je remplace aussi " nos " par " leurs " comme déterminant d' " only you " car le sens était trop gauchi par rapport aux acteurs de la première personne puis choisis de faire précéder l'expression de la préposition ""après " dans un souci de précision chronologique.
Enfin j'ai l'idée de mettre " finissait ", trouvaille heureuse et bien meilleure qu' " ajoutait " pour Capri. La chute se fait d'elle-même avec le verbe " se séparer " qui clôt le texte et annonce " endeuillées ". Et, pour l'harmonie générale du poème, je décide d'employer la première personne du pluriel jusqu'au dernier vers.
II
La strophe 2 reste inchangée.
En relisant des documents sur le phénix je fixe mon choix finalement sur le mot " bûcher " à la place d' " arbre ". Il sera le troisième mot d'une métaphore maintenant filée.
N.B. Ce texte final est en fait la suite d'un poème écrit le 3 août 2009 que je décide de livrer ci-dessous :
à Robert Walser
Voilà que j'ai filé au rouet
ma vie de l'odeur du lilas
au sourire Kennedy j'entends la musique
des sixties Odeur de terre mouillée
les nuits où je t'attends mes années
sont perdues
j'écris et j'apprivoise mes mots
avec le cœur qui pleure mais les yeux secs
O tout ce bleu que je vois je veux
t'en faire crédit
te dire je suis né au printemps et
t'empêcher de mourir dans la neige
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Paroles des sixties
après leurs only you
nous finissions Capri
et nous sous séparions
Nul regret exprimé par
nos gorges sans cesse endeuillées
Nous courions sur des dunes où
le sable était cendre
Cendres de ton corps sans arrêt
brûlé ô notre phénix
De ton bûcher naissent les mots
diamants de nos poèmes