Il y avait le soleil, le bleu de la mer et nous arrivions enfin au paradis des couleurs. Il y avait aussi le rouge des framboises, le signe de Dieu entre les deux montagnes du fjord Geiranger. La pièce avait été jetée, il fallait donc que nous y revenions. Et c'est vrai qu'il y avait eu le bleu de sa chemise, le soleil de ses cheveux. C'était il y a 15 ans déjà mais ces couleurs devaient me poursuivre à jamais. Un homme, un pays mais pas de vocation. Celle d'écrire, je la refusais. Il y avait la peur en moi de noyer le bleu et blond dans l'encre du stylo, le blanc du papier. Il me fallait canaliser l'émotion, focaliser le diffus. Et ce soir-là, inspirée par elle - la femme qui avait osé écrire renonçant à l'amour, renonçant à la vie – je restai clouée au lit. L'incantation qui naissait en moi, il fallait l'étouffer ou mieux la garder en moi comme le cœur qui bat au centre du corps.
Mais ce matin c'est moi qui étouffe : l'expiration doit se faire. La contrainte de la vie sur l'écriture provoque en ce moment l'explosion refoulée si longtemps. Entrer en littérature. La peur est en moi encore, elle y restera mais, cette fois, enfin fécondante.