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26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 08:49

Homère au royaume des morts a les yeux ouverts, Gérard Macé, le Bruit du Temps, 2015

 

 

Le nouveau recueil de Gérard Macé vient enrichir une œuvre déjà importante depuis le premier texte publié en 1974.

Ce sont, cette fois, les figures d'Ulysse et de Sisyphe, personnages intemporels, qui ouvrent le livre placé, en point de vue inversé, sous le regard d'Homère. Ensuite sont mises en avant, souvent sous forme narrative, étapes et tragédies de la vie jusqu'au dernier passage. Mais le poète n'en fait pas le récit sans oublier les hommes de bien comme l'astronome ou le vieux penseur dont le langage rédempteur n'a pas " la fleur d'or de la mélancolie " et qui sait, tel le poète qui s'identifie à  lui, qu' " une rose est une rose dans toute les langues ". Ils le savent, tous les deux, de la même manière que Mallarmé auquel il est fait allusion.

 

Chaque poème est travaillé comme une œuvre d'orfèvre avec une légèreté qui le rend encore plus moderne. La syntaxe et le vocabulaire sont remarquables par leur simplicité et une chute n'hésite pas à boucler et la forme et le sens.

Gérard Macé, nourri de l'Antiquité, en cueille ici les fruits les plus riches pour élaborer sa poétique et transmettre son message.

Ainsi une vraie mémoire mythologique sustente-elle la nuit de l'auteur, ses rêves, " ses restes de légendes " et, en narrant l'histoire d'Hermès, celui-ci nous dit : " le silence est d'or "avant de nous faire le portrait du nautonier. Avant aussi de terminer par un hommage aux femmes, reine d'Angleterre, Esméralda ou Vénus.

Cette première partie est, jusqu'au dernier texte, un hymne à la mémoire et au langage.

 

 

La deuxième partie, " Les restes du jour ", frappe le lecteur par sa simplicité et de nouveau par sa légèreté, sur le plan syntaxique autant que sémantique. Des phrases nominales expriment, en une énumération impressionniste, de nombreuses sensations venues de la nature et des hommes. Avec les bruits, en effet, nous sont offertes des formes : " Des ombres dont les pleins /s'allongent en déliés ",  au milieu aussi du silence : " Des chaussons de feutre / et des pas étouffés ".  Enumération mimant le mouvement des yeux qui, de façon circulaire, scrute et rythme la beauté des choses. Et cela du sommeil au réveil. Mais restent cependant proches le mal et la souffrance, dans le présent même, énoncés par le déictique " Aujourd'hui " qui claque avec ses " sacs de plastique / entre les branches d'un arbre " et par la chute remarquable : " le caillot du soleil couchant ".

Après l'évocation de tout un décor, des personnes enfin : familles, enfant en devenir, vieil homme aux prises avec la mémoire. Tout le trajet d'une vie est ainsi balayé, par exemple, en six vers, de la balançoire au grand âge,  avec un jeu sur la longueur des vers pour rythmer les étapes.

L'énumération se poursuit jusqu'à l'issue de cette deuxième partie. Elle passe, entre autres, du concret à l'abstrait, de la " porcelaine chinoise " au " vertige " ou au " vide " et s'achève sur une question fondamentale à laquelle la poésie elle-même, dans son impossible mission, ne pourra pas répondre :

 

"Etait-ce une aube, était-ce un crépuscule,

ce moment flou de l'histoire

où l'homme enfin domestiqué

s'est mis à labourer son champ,

pendant que le chien se séparait du loup ?

 

Dans le volet final " La fin des temps, comme toujours ", les poèmes s'étoffent et, avec l'adverbe " Pourtant ", un parti pris de vie s'annonce face à la mort et aux guerres. L'incipit plante – trouvaille encore – sous les yeux du lecteur " La déesse de la guerre / ( qui ) portait une minerve " puis vient la suite, magique, épique et bachique, qui émerveille et permet la catharsis. La forme poétique, si elle fascine, offre ici la possibilité d'oublier l'horreur jusqu'au vers-acmé : " Des enfants trisomiques ont joué  Shakespeare /au bord de l'océan ".

 

Gérard Macé écrit enfin " Le pire était à venir " et, s'il ne reste que des veuves, que leurs fils,  n'oublie pas de crier cinq fois l'anaphore mot " parole ". L'opus se clôt donc sur une note d'espoir : nos enfants qui ont " Nos trousseaux de clés " comme " trophées " sont les héritiers de la poésie que nous avons créée pour eux.

 

 

                                                                                  France Burghelle Rey ( avril 2015 )

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  • : "J'émerveille" a dit Apollinaire. Un blog qui veut honorer la poésie et transmettre la joie qui s'attache à la création littéraire. La lecture et l'analyse des œuvres sont un passage obligé vers l'écriture personnelle. De nombreux articles témoignent ici de cette expérience personnelle.
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